A l’occasion du 11ème Grand Prix de la Fédération française des associations d’actionnaires salariés et anciens salariés (FAS), qui s’est tenu sous la présidence de Stéphane Richard, Président-Directeur général d’Orange et en présence de Philippe Lépinay, Président de la FAS, les intervenants réunis autour de trois table-rondes thématiques ont insisté sur l’impérieuse nécessité d’encourager un dispositif parfois malmené par les pouvoirs publics.
L’actionnariat salarié concerne aujourd’hui en France plus de 3,5 millions de personnes. Créée par la loi de 1967, la participation des salariés au capital de leur entreprise permet de réunir les actionnaires et les salariés dans un but commun. Outre l’enveloppe fiscale qui en fait un placement attractif à côté de l’assurance-vie et du PEA, l’actionnariat salarié offre des avantages conséquents à ceux qui peuvent en bénéficier : il permet en effet aux salariés de se constituer un capital, souvent sur une longue période, tout en augmentant l’indépendance des groupes cotés qui ont mis en place de tels plans. Une véritable arme au bénéfice de l’entreprise en cas d’OPA hostile par exemple. Si la fiscalité de l’actionnariat salarié reste attractive, elle n’en a pas moins été malmenée au cours des dernières années. « La loi Macron permet des avancées mais notre objectif est d’aller plus loin en ramenant le forfait social (contribution sociale à la charge de l’employeur) à 8%, soit le taux en vigueur pendant 6 ans pour les PME qui versent pour la première fois de l’intéressement, ou de la participation sans y être tenues», estime Yves Perrier, Président de l’Association française de gestion financière (AFG) et Directeur général d’Amundi.
Table-ronde n°1 : Européanisation et solutions de relance pour l’actionnariat salarié
Le constat est plutôt encourageant mais il reste beaucoup à faire pour relancer l’actionnariat salarié en Europe. « L’actionnariat salarié est un choix politique. Les difficultés à imposer des règles communes au niveau européen montrent que les blocages existent, aussi bien dans un pays comme l’Allemagne qu’au sein des institutions européennes », estime Marc Mathieu, Secrétaire général de l’EFES (Fédération européenne de l’actionnariat salarié). Certains pays sont plus en avance que d’autres. Ainsi, la dynamique viendrait maintenant plutôt du Royaume-Uni qui a multiplié les incitations fiscales alors que la France dans le même temps augmentait le forfait social en 2012.
Pourtant, l’actionnariat salarié, y compris dans les PME, s’avère globalement attractif. « L’outil existe mais il reste toujours un problème de communication. Savez-vous que l’indice boursier des Small&Midcaps est plus performant sur longue période que le Cac 40 ? L’actionnariat salarié ne doit pas être réservé uniquement aux salariés des grandes entreprises », estime Christel Bapt, Président de Cedrus Partners.
Table-ronde n°2 : Actionnariat salarié et loi Macron
Si l’actionnariat salarié n’est pas encore généralisé en France, la loi Macron adoptée à l’été 2015 permet un certain nombre d’avancées. Parmi elles, la contribution sociale à la charge des employeurs sur les actions gratuites est ramenée de 30 à 20% de la valeur des actions et payable seulement à leur date d’acquisition. La période d’acquisition et de conservation des actions est réduite de quatre à deux ans. Lors de la cession, la plus-value bénéficie désormais d’un abattement lié à la durée de détention des actions gratuites attribuées dans le cadre d’un plan autorisé par une assemblée générale postérieure au 7 août 2015 (publication au Journal Officiel de la loi Macron). « La loi va dans le bon sens mais il faudrait aller plus loin pour favoriser l’épargne longue à risque et l’actionnariat stable. Nous proposons que les gains réalisés soient complètement exonérés en contrepartie d’un engagement de conservation de huit ans et, qu’à l’inverse, l’intéressement et la participation versés dans des fonds monétaires à rendement nul, niche fiscale pour certains, cessent de bénéficier d’une exonération de l’impôt sur le revenu. Cela a été refusé jusqu’à présent mais ce serait une incitation forte à l’investissement en actions et un facteur important de relance de la croissance», estime Philippe Bernheim, Secrétaire général de la FAS.
Michel Bon, Président de Fondact, estime que la loi Macron corrige en partie les erreurs fiscales de la période 2012-2013. « Tout ce qui permet d’encourager l’actionnariat salarié va dans le bon sens. Les entreprises qui adoptent un plan d’actionnariat salarié ont une productivité supérieure de 6 à 8 points à celles qui n’en disposent pas », assure-t-il. Le chemin législatif à accomplir reste toutefois important. « La France a accumulé beaucoup de retard dans l’actionnariat salarié des entreprises non cotées. Parmi les mesures à prendre, il faudrait baisser davantage le forfait social, faciliter l’actionnariat salarié pour les TPE, exonérer d’ISF les plans d’actionnariat salarié pour les salariés éligibles et liés à un contrat en cours », avance Jérôme Dedeyan, associé chez ERES (Epargne retraite et salariale).
Table-ronde n°3 : Actionnariat salarié comme facteur de cohésion sociale
Le lien entre la performance économique et le bien-être social constitue un enjeu stratégique. « L’un ne peut aller sans l’autre. Or, l’actionnariat salarié comme outil « gagnant-gagnant » à disposition de l’employeur et du salarié doit s’inscrire au cœur de la stratégie patrimoniale et peut faciliter la transmission d’entreprises alors que 700.000 d’entre elles vont changer de propriétaire au cours des dix prochaines années », estime Carole Couvert, Présidente de la CFE-CGC. Dans un monde d’antagonismes, où la confiance entre employeurs et salariés reste si fragile, l’actionnariat salarié est un outil de cohésion sociale et permet de faire converger les intérêts et de regarder dans la même direction. « A condition d’admettre que les accidents de parcours existent et font partie de la vie normale d’une entreprise. Une action ne monte pas jusqu’au ciel mais le rétablissement de la confiance pourrait passer par la mise en place de dispositifs afin de sécuriser, dans la durée, les placements du salarié. Nous devons avancer avec les partenaires sociaux sur ce sujet », conclut Marc Veyron, Président du groupe de travail Epargne salariale du Medef.
C’est un outil qui doit être utile pour tout le monde. Entre 2000 et 2011, 90% des emplois ont été créés en dehors du salariat. Il faut donc généraliser les dispositifs qui créent du lien entre le capital et le travail, quelle que soit la forme de ce dernier. En 2012-2013, l’actionnariat salarié a été délaissé, sanctionné fiscalement. Il faut au contraire se remobiliser autour de cette grande cause », lance Raymond Soubie, Président d’Alixio, qui invite la FAS à prendre la tête de cette mobilisation et les partenaires sociaux à sortir des chemins intellectuels de négociation dans lesquels on est enfermé depuis trop longtemps.